Face à la crise du logement qui s’intensifie, les autorités françaises revoient leur position concernant l’interdiction de louer les logements classés G. Le 1er avril dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi assouplissant considérablement cette interdiction, permettant aux propriétaires engagés dans une démarche de rénovation de continuer à proposer leurs biens sur le marché locatif.
Un compromis entre urgence climatique et crise immobilière
La proposition, qui sera prochainement examinée par l’Assemblée nationale, vise à trouver un équilibre entre deux impératifs : la lutte contre le réchauffement climatique et la nécessité de maintenir une offre locative suffisante dans un contexte tendu.
Qualifiée par certains observateurs de réponse à une potentielle « bombe sociale », cette réforme intervient alors que de nombreux propriétaires préféraient laisser leurs biens vacants plutôt que d’engager des travaux coûteux ou risquer des sanctions.
Des délais accordés selon le type de bien
La réforme introduit une distinction importante selon le type de bien concerné :
- Pour les copropriétés : Un délai de 5 ans est accordé si la copropriété s’est engagée dans un projet de rénovation basé sur un audit énergétique, un DPE, un diagnostic technique global ou un plan pluriannuel de travaux.
- Pour les maisons individuelles : Un sursis de 3 ans est prévu si le propriétaire a conclu un contrat de travaux visant à atteindre le niveau de performance énergétique minimal requis.
- Pour les immeubles collectifs hors copropriété : Le même délai de 3 ans s’applique en cas d’engagement dans des travaux d’amélioration énergétique.
Le coût des travaux pris en compte
Une innovation majeure de cette réforme consiste à reconnaître le caractère parfois disproportionné du coût des travaux par rapport à la valeur du bien. Ainsi, si les améliorations énergétiques représentent un investissement « manifestement disproportionné », le logement pourra continuer d’être loué même avec un classement G.
Le propriétaire devra néanmoins prouver qu’il a réalisé tous les travaux d’amélioration possibles dans la limite du raisonnable (isolation intérieure, vitrage performant, ventilation, etc.).
Encadrement des baisses de loyer
La réforme clarifie également la question épineuse des baisses de loyer :
- Pour les logements G légalement mis en location (dans le cadre des exceptions prévues), aucune baisse de loyer ne pourra être exigée par le locataire.
- Pour les biens loués en dehors du cadre légal, la réduction sera strictement limitée au préjudice subi par le locataire, c’est-à-dire essentiellement au surcoût de chauffage entre un logement G et F. Cette baisse ne devrait pas excéder quelques dizaines d’euros mensuels.
Les cas permettant la location d’un logement G
Suite à cette réforme, un logement classé G pourra être légalement mis en location dans les situations suivantes :
- Travaux techniquement impossibles
- Travaux interdits (bâtiments historiques, etc.)
- Blocage au niveau de la copropriété
- Copropriété engagée dans un processus de rénovation
- Maison individuelle faisant l’objet de travaux programmés
- Coût disproportionné des travaux nécessaires
- DPE collectif atteignant au moins la classe F
- Opposition du locataire aux travaux
Perspectives pour les propriétaires
Cette réforme constitue un changement majeur pour les propriétaires de passoires thermiques. Les risques désormais limités ne justifient plus de laisser un logement vacant plutôt que de le proposer à la location. La recherche d’un équilibre entre transition écologique et réalités économiques semble avoir guidé les législateurs, dans un contexte où la tension sur le marché locatif s’accentue.
L’enjeu reste maintenant l’adoption définitive du texte par l’Assemblée nationale, qui pourrait encore y apporter des modifications.
Cette réforme s’inscrit dans un effort plus large d’adaptation de la législation énergétique aux réalités du parc immobilier français et aux capacités financières des propriétaires.